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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 10:05

Venise et ses églises

 

 

Veni Etiam - Reviens encore

A Venise tout commence et tout finit dans les églises. On raconte que la ville fut fondée en 421, un 25 mars, jour de l’Annonciation de la naissance du Christ.

Venise, ville flottante, ville horizontale, aspire à l’élévation ? Ses campaniles et milles clochers sont comme des phares qui prennent parfois la silhouette de minarets, manière de rappeler que l’Orient est toujours bien présent.

 

En matière de religion, Venise, s’arrange, Venise bricole. Dans les églises, les vierges ont des sensualités de Vénus, des regards de courtisanes, des rougeurs de jeunes filles, des blondeurs de vénitienne… mais oui, levez les yeux, et vous les verrez peut-être, les cheveux épars, en corolle autour du crâne, ces vénitiennes qui, juchées sur quelqu’Altana, s’efforcent de blondir leur chevelure au soleil.

Mais silence. Une vieille dame entre à San Trovaso. Quelques raies de lumière se glissent dans son sillage. Elle écarte l’épais velours cramoisi, théâtral, qui sert de porte en cette chaude après-midi de juillet. Ses bras sont chargés de glaïeuls roses, d’un rose qui semble fait pour les confiseries en pâte d’amande, des glaïeuls un peu raides qu’elle arrange amoureusement avec l’ancien bouquet – glaïeuls blancs – déjà là. Odeur de fleurs fraîches. Du vent. Du vent qui soulève le rideau. Le soleil sur les dalles. Le rideau rouge. Titien n’est pas très loin.

A Venise, d’autres églises sont comme des courtisanes trop maquillées, mais on leur pardonne. Ici, tout est théâtre.

Je cherche… je cherche l’église Saint Pantalon, vous connaissez ? des touristes incrédules me dévisagent. Blasphème ?  Je pointe l’index dans mon guide. Elle s’appelle vraiment Saint Pantalon. Nous sommes à deux pas de Dorsoduro, littéralement, le « dos dur », il faut certainement avoir bon dos pour supporter ces petits arrangements avec l’hagiographie. Dans mon guide je lis : « par un miracle de trompe l’œil, le plafond semble s’enfoncer dans le ciel, c’est une illusion d’optique due à Giovanni Antonio Fumiani, qui a présenté ici le martyr et l’apothéose de Saint Pantalon » (Pantaléon en italien). Vertige et verticalité.

 

Autre sestieri, autre ambiance, nous sommes maintenant à Cannaregio, l’un des plus vastes des six quartiers vénitiens. L’église Santa Lucia n’est plus, elle a été démolie pour construire la gare qui porte son nom, mais ses reliques sont à San Geremia e Lucia. Sainte Lucie, martyr de Syracuse, sainte patronne des mal voyants. Dans un sarcophage de verre, son petit corps vêtu d’une robe rouge, comme les princesses des contes de fées. Un masque sur le visage. Les pieds fins, presque des pieds d’enfant, dépassent de la robe, et c’est comme une fine craquelure de peau sur un soupçon de corps. Processions, génuflexions, signes de croix devant cette esquisse.

C’est samedi. Pour me rendre à l’église des Jésuites à l’autre bout de Cannaregio je traverse le ghetto, jadis séparé du reste de la ville par des grilles qu’on fermait la nuit. Les maisons y sont plus hautes qu’ailleurs, le linge qui sèche claque au vent. Odeur de gâteau devant la pâtisserie Kascher. Élégance des passants. Aux Gesuati, baroque triomphant, incrustation de marbre, drapés de stucs… Bonbonnière.

J’attrape un vaporetto au Fondamenta Nuove, on aperçoit les mystérieuses portes d’Hadès du cimetière San Michele, qui inspirèrent dit-on le peintre Arnold Böcklin. Pas de mélancolie pourtant, le vaporettiste annonce bruyamment les stations, on est loin, très loin de la Venise déliquescente et valétudinaire de Thomas Mann. Flottement. Une ville sur l’eau. Veni etiam. Venise.

 

 

 Lucie Héron, guide-conférencière

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